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CPPPC est un blog de CRITIQUES (fragmentaire) DES PRODUITS, PRATIQUES & POLITIQUES CULTURELLES.

"Des goûts et des couleurs on ne discute pas... et pourtant on ne fait que ça !" (Nietzsche)


dimanche 6 février 2011

Voyages en intensité


On emploie souvent l’expression « raconter une histoire » concernant des médias différents, comme la littérature, la bande dessinée, le cinéma, les jeux vidéo, la chanson, voire les expositions.
Cela est la pierre angulaire de la représentation, et toutefois celle-ci est doublement remise en cause. Par certains créateurs qui refusent la narration, et inventent d’autres voies pour composer leur œuvre. Et bien davantage par le fait que la narration n’est pas le but, ni ce qui est mémorisé, d’une création donnée.
Le concepteur de jeux vidéos David Cage (Fahrenheit, Heavy Rain…) dit ainsi que « la finalité c'est pas la narration, mais le voyage ». C’est une façon sommaire et imprécise de qualifier la forme sensible de toute production culturelle.
Et il n’y a bien que pour les concepteurs de quatrièmes de couverture et autres jaquettes de DVD que ce voyage se résume par l’histoire racontée, témoignant sans doute de ce que pour eux il s’agit avant tout d’un produit, dont l’essentiel consiste en ses statiques caractéristiques commerciales. Car pour la raconter, un ensemble de moyens est mis en œuvre qui façonne la perception de l’œuvre. Ce sont ces moyens qui sont sentis, et l’histoire qu’à travers eux.
Sortir de la représentation, du reste, c’est faire valoir ces moyens sans les mettre au service d’un scénario préétabli.  Lorsqu’il n’y a pas, à travers eux, à comprendre, saisir, faire quelque chose, mais seulement à sentir, le sens laissé inexistant ou ouvert. Ce qui est directement le cas dans un partage d’émotions, principalement dans les œuvres qui prennent à bras-le-corps les composantes de leur art.
Il est toujours possible de reconstituer une représentation, surtout lorsque l’on sait manier les mots. On peut rendre compte de ce qui a été perçu, mais c’est généralement là davantage le souci de dupliquer le produit lui-même, sans la relation affective qui nous a liés à lui, que de rendre compte de cette relation.
Parce qu’il faut alors exprimer nos sensations, nos émotions, nos perceptions, et nous sentons bien souvent que notre interlocuteur risque de ne pas nous comprendre, de ne pas comprendre de quoi nous parlons.
Il faudrait pourtant atteindre un tel niveau d’énonciation, des noms et des histoires pour ne plus que faire état de nos sensations, de ce que l’œuvre nous a fait. Un tissu d’intensités, quand le réseau de noms, qui ne dit rien, n’a d’intérêt qu’à renvoyer à lui.

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