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"Des goûts et des couleurs on ne discute pas... et pourtant on ne fait que ça !" (Nietzsche)


lundi 27 mai 2013

[Livre] The City & The City, de China Miéville (2011)


The City & The City se passe dans un pays de la taille d'une ville que l'on pourrait situer quelque part vers la Bulgarie. Ou plutôt se passe dans deux pays, Besz et Ul Qoma, ennemis jurés qui se partagent une même ville, sans avoir les mêmes langues, écritures, religions, systèmes politiques, et autres modes, sans parler des pays alliés. Les habitants sont sommés de "s'éviser" le long des rues "tramées", et si leurs yeux s'attardent sur un passant, une voiture ou une fenêtre appartenant à l'autre pays, une super police invisible, ils "rompent" et commettent alors le plus grand des crimes. La Rupture, alors, viendra les emmener et il est probable qu'on ne les reverra pas. Un seul endroit pour passer d'un pays à l'autre sans "rompre" : la frontière signifiée par le bâtiment où siège un conseil commun aux deux pays.

Et tout pourrait aller pour le mieux dans cette ville double à l'ambiance pesante, pour Tyador Borlu, inspecteur dans la police de Besz, le plus pauvre des deux payssi un cadavre retrouvé dans un coin paumé de sa ville n'était pas venu d'Ul Qoma en ayant passé la frontière, bien mort mais sans rompre, en somme en toute légalité.
Ce cadavre est identifié comme celui d'une étudiante en archéologie travaillant sur les fouilles remontant à un temps suffisamment ancien pour toucher plus qu'à l'identité des deux pays : à leur séparation même. Et voilà Borlu entraîné dans un imbroglio de luttes politiques, scientifiques et économiques, dans un récit à la première personne parfaitement maîtrisé, efficace, et qui rend simplement une réalité dense et complexe, dans une esthétique expressionniste (on pense à Kafka, comme à Métropolis).
J'avais lâché en cours de route Perdido Street Station, peut-être trop fantasy pour moi, et j'ai dévoré The City & The City, qui s'inscrit dans une veine policière.

China Miéville, né en 1972, croule sous les prix les plus prestigieux pour une oeuvre inscrite dans la littérature de genre, dont il se joue des codes et des frontières. Rien que pour The City & The City, il a obtenu le prix Hugo du meilleur roman 2010, le prix Arthur C. Clarke 2010, le prix British Science Fiction 2009, le prix Locus du meilleur roman de fantasy 2010, le prix World Fantasy 2010, le grand prix de l'Imaginaire du meilleur roman étranger 2012 et le prix Elbakin.net du meilleur roman fantasy étranger 2012. Rien que ça !
Si les récompenses me font souvent fuir, sans nécessairement passer à côté pour autant, je les comprends aisément pour ce bouquin. L'intérêt pour la politique de Miéville se lit tout au long du récit (il a été candidat trotskiste à la mairie de Londres), ainsi que ses études d'ethnologie, à travers la description d'une ville/deux pays rendus de manière très réaliste. Et au-delà de l'intrigue prenante, tirée au cordeau, on s'amuse tout le long à traquer la faille dans cette idée étonnante.
C'est la force des auteurs de science-fiction de poser une idée apparemment absurde puis d'écrire un récit dans lequel cette idée tient la route de bout en bout. Du coup, après The City & The City, et après avoir entendu tout le bien que pensaient certains critiques du dernier Stephen King, autour d'un jeune prof qui remonte dans le temps à l'époque de l'assassinat de JFK, je me suis lancé dans son Dôme, qui lui aussi, entre science-fiction et policier, s'inscrit dans une ambition ethnologique.

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